Les Louves, de Silvana Minchella, par Thierry-Marie Delaunois chroniqueur
Les Louves, de Silvana Minchella, par Thierry-Marie Delaunois chroniqueur
"...A ces mots, elle retira vivement sa main et ferma les yeux. Son visage prit une expression butée et tout le monde sut qu'on n'en tirerait rien. Derrière son masque de défense, les images se bousculaient et les pensées de haine déformaient ses traits. Son mari! C'était lui le responsable de cette boucherie, de cette souffrance qui continuait de la broyer..." Qu'est-il arrivé à Gina et pourquoi cette expression butée? Cette intolérable souffrance? Gina ne vit-elle pourtant pas dans un sympathique petit village d'une contrée sauvage où tout n'est que paix et quiétude? Et que lui a donc fait Mario, son époux?
Oeuvre prenante nous présentant "Quatre femmes fortes, belles, fières, vivant debout, dansant pour ne pas tomber, riant pour ne pas hurler, embrassant la Vie sur la bouche", d'une écrivaine originaire du Sud de l'Italie auteure de nouvelles et contes pour enfants, de romans et d'un livre d'art, au style allant et agréable, "Les Louves" de Silvana Minchella nous offre un périple en quatre temps au coeur de l'humain, des pensées les plus profondes de l'être humain avec une singulière progression, sorte de crescendo vers le lumineux, l'épilogue de l'oeuvre se révélant festif, joyeux.
Oui, quatre volets: "Gina" ouvre le bal, sa belle-mère Carmela et sa belle-soeur Carla non loin d'elle. Gina, dont la vie n'est point un long fleuve tranquille mais un ruisseau tumultueux se frayant un passage avec peine entre divers obstacles qui l'empêchent de s'épanouir harmonieusement. Gina dix-sept ans, belle et forte, qui malgré tout connaîtra l'amour un temps avec Klaus, un soldat allemand, jusqu'à ce que...mais c'est bien sûr à vous de découvrir ce qui lui arrivera; sinon, où serait l'intérêt? Le plaisir?
Succéderont à "Gina" trois textes contrastés à l'écriture très vivante - allegro! - : en premier lieu, "Qui sont ces voix dans ma tête?" dans lequel nous faisons la connaissance de Lucia, jeune femme à l'esprit en proie à de vagabondes entités avec lesquelles il lui faut composer, des entités envahissantes qui tentent de la contrôler, de la soumettre à leurs caprices; ensuite "Danse macabre" qui nous décrit une rupture à la première personne du singulier - un bien joli monologue! -, des confettis de toutes les couleurs tournoyant jusqu'à créer chez notre personnage principal - à nouveau une femme! - un vertige démesuré; enfin "Une gorgée de rire dans un verre d'éternité" où 10 millions d'euros - mai que feriez-vous avec une telle somme? - tombent subitement dans la poche d'une maman, celle de Stephy et Laetizia, somme qui la rend dans un premier temps pensive, plus hardie ensuite dans son projet d'achat d'une maison, un projet fabuleux.
Mais suit-on facilement Silvana Minchella et ses Louves dans leur cheminement? Assurément, chaque page nous réservant son lot de sensations ,de sentiments et de surprises: un parcours de vie laborieux pour notre Gina, amours et désespoirs pour notre Lucia, un patchwork sautillant émaillé de confettis pour une rupture, un chemin surprenant vers la richesse en fin de course, le tout surgi de l'imagination d'une auteure très inspirée qui a vécu "au milieu d'une nature sauvage, seule enfant dans un monde d'adultes". Ses personnages? Attachants, sensibles, déterminés, dotés de ces qualités qui ne peuvent que nous pousser à aller de l'avant dans une vie que nous cherchons sans cesse à apprivoiser, à améliorer.
Mais...Gina? Nous l'avions laissée à sa douleur, maudissant son mari: "...Ce vieux, à qui son père l'avait vendue pour préserver sa réputation! Parce qu'elle était trop belle, parce qu'elle aimait la vie! Mario avait un bon métier et quand il l'avait demandée au père, celui-ci avait accepté immédiatement, soulagé de se débarrasser de ce problème..." Acceptable? Sûrement pas pour notre héroïne qui se démènera... "Les Louves" de Silvana Minchella? Une lecture recommandée: vous serez sans conteste emmenés, entraînés, emportés et votre esprit, ainsi que votre coeur, ne sera pas prêt d'oublier ces quatre femmes fortes, belles, fières, vivant...