Battue! de Virginie Vanos lu par Thierry-Marie Delaunois

 "- Quitte-le, déjà. "Je commence à y penser. Mais à la réflexion, non. Je ne veux pas partir comme ça, la queue entre les jambes." "Que comptes-tu faire?" "Lui rendre la monnaie de sa pièce. Je vais rester avec lui, mais je veux surtout récupérer ma santé. Je vais tout entreprendre pour réussir ma vie, et là, je lui tiendrai tête. Je veux lui offrir le spectacle d'une Virginie rayonnante pour lui faire prendre conscience de l'échec de cette tentative d'assassinat." Que s'est-il passé bon sang? Qu'est-il arrivé à notre Virginie, femme si belle, si attachante, si cultivée? Aurait-elle été violentée, voire pire, par Reza, l'individu qui partage sa vie? Et peut-on réellement parler de partage? D'un amour réciproque?

  Née en 1979, auteur de quelques publications - deux livres d'humour satirique et un fascicule d'une exposition conceptuelle notamment -, comédienne ciné-tv-théâtre reconvertie  photographe et graphiste, ensuite modèle, Virginie Vanos, femme polyvalente et multilingue, n'y est pas allée par quatre chemins, nous concoctant, directe et franche, un récit sans concession: "Battue!", témoignage édifiant et bouleversant d'un parcours douloureux, maniant les mots avec habileté, l'ironie et l'humour au menu. Victime, elle? Pour rien au monde! Fichtre! Battue? K.O., elle? Que nenni, d'où la naissance de cette poignante narration qui est tout sauf une fiction. Un chemin semé de bûches et d'embûches.

  On tremble pour elle, on frissonne avec elle, on prend les coups, l'on rit parfois, on verse plus d'une larme par intermittences, bref on vit (survit?) avec elle, absorbé, immergé, quasi l'apnée. Virginie? Non, elle n'est ni femme fatale ni être fragile, seulement fragilisée, frappée par les circonstances. Ce Dark-Rezor, qu'a-t-il d'humain en fin de compte? On tente de le comprendre...en vain! L'empathie nous gagne, on suit pas à pas notre héroïne (elle l'est!), désireux de lui prendre la main et de lui murmurer: "T'es pas seule! Tu vas t'en tirer!". Mais...que lui a donc infligé cet homme?

  Le style est fluide, délié, alerte, percutant; le vocabulaire, accrocheur; le ton, vif; les mots sont soigneusement choisis: Virginie Vanos, pieds sur terre, tête sur les épaules, l'esprit clair, nous restaure fidèlement son parcours, la mémoire marquée des épreuves traversées tant bien que mal. Quelles épreuves en fait, et que vient par exemple faire ce proverbe chinois - "Qui fait l'âne ne doit pas s'étonner si les autres lui montent dessus." - en début de récit? Comment le déchiffer?

  D'une belle qualité d'écriture, "Battue" nous apporte la réponse aux questions posées ci-dessus, chronique sans concession, parfois stupéfiante quant aux réactions dubitatives des proches à ses malheurs.

  "Battue!", une lecture conseillée? On est ici très  éloigné des malheurs de Sophie et de toute mièvrerie bubble gum ou mélo-sentimentale, l'auteur nous assénant ici la preuve que la vie est loin d'être un très très très long fleuve tranquille, preuve formelle, percutante, irréfutable. Réussira-t-elle au final à passer de "battue" à "battante"? "Comment peux-tu te rétablir si tu l'as toujours dans les pattes? "Là, je compte sur toi: il vient me chercher demain, mais je ne reste chez lui que trois jours. Je m'arrange pour rentrer rapidement à la maison, et dans le meilleur état possible. (...) une chose est sûre: je jure devant Dieu que j'arriverai à le moucher!" Y parvient-elle sans séquelles, psychologiques ou autres? Virginie s'en sort-elle en fin de compte indemne? Suspense...frissons... sueurs..."la vengeance est une entrecôte cuite à point", paraît-il. Parfois Hitchcockien, disponible à la vente, "Battue!" vous attend, Virginie également. Au tournant bien sûr!