7 roman thierrybis

7 roman thierrybis

 

Une première lecture pour cette saison:

Au fil d'Isis... & Les trois épreuves d'Isis

deux recueils de textes mêlant prose et poésie !

 

 

Une deuxième lecture:

Raconte-moi Mozart...

un cinquième roman se déroulant au coeur des Alpes-de-Haute-Provence !

 

 

Une troisième lecture:

Auprès de ma blonde

Le sixième roman, un suspense psychologique !

 

 

Une quatrième lecture: son dernier roman !

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Un roman dans l'air du temps!

 

Charme, Légèreté, Humour et Convivialité sont les mots-clés de ce site.

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Paris Bruxelles, une nouvelle de Thierry-Marie Delaunois

  L'angoisse m'étreignait, intenable sensation...Que s'était-il passé? J'étais véritablement sonné. Emergeant du fatras de ferraille fumante, une petite main se tordait, frêle, exprimant détresse et douleur, c'était on ne peut plus clair, l'avant-bras imprégné de sang, et la terreur m'envahit. Une petite fille avait malgré tout survécu, elle gémissait doucement. Que s'était-il passé? Je cherchai dans ma mémoire défaillante mais rien à faire! Insupportable sentiment que l'impuissance, sans pareil, et d'une opacité! La tête me tournait. Ma mémoire...qu'en restait-il? Soudain un souvenir jaillit, clair, mais pas le bon: il datait de la veille, début d'après-midi, me semblait-il. Oui...

  "Paris, Porte de Versailles, le Salon du Livre Palais 1 des expositions, quinze minutes avant ma séance de dédicaces de ce lundi. L'esprit en éveil mais investi de doutes, j'arpente l'allée qui doit me mener au stand de mon éditeur. C'est peu animé. Que fais-je ici? Cela en vaut-il la peine? Je ne recherche ni le succès ni la gloire, seulement une certaine reconnaissance en tant qu'écrivain, disons auteur. Restons modeste. Mes lecteurs et fans, j'en ai malgré tout, se dérangeront-ils pour moi, auteur plus ou moins connu? L'espoir fait vivre, c'est donc déterminé que j'atteins le lieu où cela va se jouer. Plaisir en filigranes."

  Il ne s'agissait pas du souvenir que je recherchais; hagard, mes yeux voyageaient quand ils se rivèrent à la petite main à l'instant où celle-ci plongea vers le sol inerte, paume tournée vers le ciel. La fumée et la pénombre ne me permettaient pas de me rendre compte si la vie l'avait quittée lorsqu'un cri de souffrance monta avant de se suspendre; je tournai davantage la tête, tentant de bouger, de m'avancer...sans succès. Que m'était-il arrivé? J'étais en vie mais à quel prix? Cet enfant, cette pauvre petite, avait rendu l'âme, à coup sûr, pourquoi pas moi? Que faisais-je ici coincé sous des gravats de...quoi en fait? Le souvenir se fit alors plus net, toujours pas le bon.

  "Je m'approche du stand, parviens enfin à destination; trois sourires, ceux des représentantes de la maison d'édition, m'atteignent, me pénétrant; le rouge me monte aux joues. Quel agréable accueil, et mon appréhension chute telle une pomme à point. Tout se passera bien: on me met aussitôt en confiance, me rassure, m'indique ma place. L'assurance revient au galop mais une fois installé...Personne!"

  Personne en vie autour de moi apparemment et avoir sous les yeux cette petite main immobile...l'horreur, un réel voyage au coeur de l'enfer, quand un bruit soudain de sirènes, se rapprochant à grande vitesse, précéda des claquements de portière, un porte-voix aboyant bientôt un ordre . Enfin les secours! J'eus un regain d'espoir, d'énergie; je parvins à me retourner, mon regard fixant le corps d'une jeune femme au visage ensanglanté, son abondante chevelure d'une blondeur cendrée éparpillée autour d'elle, les yeux ouverts fixés dans la stupéfaction. Que s'était-il passé ici? Perdu, je soupirai comme si je portais le monde sur les épaules tandis que l'on commençait à s'affairer aux alentours. Mais personne pour m'aider, me secourir, moi qui étais toujours en vie et désireux...de quoi? La vie? Un bien singulier parcours. La mort frappait-elle au hasard, le nanti et le miséreux se trouvaient-ils pour une fois sur un pied d'égalité? Je fermai les yeux, souhaitant échapper à tout mais...

  "Une dame s'arrête enfin, observant la couverture de mon roman en dédicaces. Pourquoi ce titre? Heureux, je lui explique, mon moral remonté en flèche. Allégresse. Je ne suis pas rien car elle me l'achète en fin de compte, et je le lui dédicace "cordialement, à Fanny" lorsque s'approchent deux jeunes manifestement en couple. Le titre les fait sourire; ils ont de jolies dents tous les deux. Ils ne me l'achètent pas? Pas grave: il y a échange, partage. Je ne suis pas venu inutilement. Petit bonheur."

  Loin, le bonheur, enfui! La douleur à présent, une souffrance aigüe dans tout le haut du corps. Pourquoi n'arrivais-je pas à bouger davantage? Sous le bassin je n'avais plus aucune sensation et je me trouvais emprisonné sous l'acier, la tôle,...quoi d'autre encore? Peu importait, c'était comme si j'étais en cellule, le désespoir aux basques. Non, l'expression ne convenait guère! Plus un atome de vie de ce côté du miroir? Apparemment mais de l'autre, ça bougeait, ça criait, l'on courait! Me trouverait-on bientôt? Le souvenir du Salon devint plus intense...

  "Mon éditeur a proposé à un intéressant trio d'acteurs de venir lire en public des extraits de romans en dédicaces, quelle chance, le mien ayant été sélectionné, et voici qu'ils arrivent, groupés, comme soudés. Le septième art, c'est une famille! Bien qu'un peu pâle, la jeune comédienne faisant partie du groupe me sourit, son rayon m'atteignant au plus profond de mon être. Nous faisons ensuite connaissance, l'espoir m'envahissant telle une chaleur diffuse et bienfaisante quand, un peu plus tard, trois écoliers apparaissent, des lycéens intéressés par mon roman, et un joyeux échange suit, précédant l'achat. Touché, j'accepte de leur faire une réduction. Ils se sont dérangés pour moi. Plaisir."

  Plaisir là-bas; ici j'avais subi un choc, perdu connaissance, puis je m'étais réveillé dans un autre monde, une contrée de douleurs et de tourments. J'étais conscient, lucide, mais dans une situation atroce! Victime, blessé, peut-être handicapé à vie, moi l'écrivain...non, l'auteur qui, cherchant la lumière ne fût-ce qu'une once avait au contraire plongé dans le noir, l'obscurité. Qu'espérer à présent? J'étais anéanti, bon pour le fauteuil roulant, la destinée la plus pénible qui soit: dépendre d'autres, des autres, sans plus pouvoir créer, imaginer des histoires car ma tête...ma mémoire était en miettes, j'en étais conscient. Je fis alors un suprême effort car le meilleur, de ce souvenir revenant par bribes, était pour la fin.

  "Songeant au sens de mon roman, je me fais subitement harponner. Qu'est-ce...? La jeune et belle actrice, une main posée sur mon épaule, m'appelle: le moment est venu où elle va me lire, m'informant au préalable que j'écris bien et que j'ai du style. Satisfaction. Je me sens flatté, reconnu à travers mon oeuvre. Plus tard, à la lecture d'un second extrait, elle fait ça si bien que quelques rires fusent, spontanés, sincères, puis je réintègre, ravi, ma place en dédicaces quand un vieil homme morose, malade visiblement, apparaît, ses yeux reflétant une profonde tristesse. Mon roman l'interpelle mais il n'a pas toute la somme; je décide aussitôt de lui faire une fleur, ce qui déclenche chez lui un léger sourire empreint d'émotion. Je n'oublierais jamais un tel sourire, il mêlait bonheur et reconnaissance. Nous avions tous deux trouvé la Lumière et quand l'heure de l'au-revoir sonne tout à coup, l'heure pour moi de quitter le Salon, mon coeur part en vrille, la comédienne m'adressant une pleine bise sur la joue. Bonheur d'être venu, d'avoir donné et reçu."

  Etait-ce le seul souvenir qui me restait, que je conserverais pour la vie? Autour de moi ce n'était que chaos et désolation; l'atmosphère, comment la qualifierais-je? De démentielle, d'apocalyptique. Où me trouvais-je et que m'arrivait-il soudain? Tout devenait confus, trouble, ma vue, l'audition; je posai une main sur mon visage pour découvrir que je saignais du nez. Je compris alors que je partais; dans quelques secondes je ne serais plus; j'emportaisavec moi dans la tombe le sourire de ce vieil homme. Le baume final. Mon Thalys pour Bruxelles, départ à 10h22 de Paris-Nord, avait déraillé sur le territoire belge, non loin de Tournai, cela me revenait enfin mais...

  C'est alors que je me réveillai en sursaut dans ma chambre d'hôtel parisienne. Un cauchemar! Effrayant! Je consultai le réveil. Ouf! Je ne manquerais pas mon train pour Bruxelles de...10h22. Ma séance de dédicaces de la veille? Un succès! La vie? Précieuse!

Commentaires

  • Vincent Vallée

    1 Vincent Vallée Le 06/02/2017

    Très jolie nouvelle, bien ficelée j'ai apprécié, vraiment .

    Merci Thierry-Marie.

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